Zemmour et la droitisation de la société
Les chiffres sont clairs : les idées d’Éric Zemmour sont bien plus répandues parmi les français qu’au sein de la sphère médiatique. Une situation issue d’une droitisation progressive de la société française.
« La France « zemmourisée » » titrait, en octobre dernier, Valeurs actuelles. L’hebdomadaire publiait alors un sondage réalisé avec l’Ifop concernant l’impact d’Eric Zemmour auprès des français. Et, fièrement, lui attribuait une « très forte notoriété (72%) ». S’ils sont effectivement 72% à connaître le polémiste, seuls 30% des sondés disaient l’apprécier, 42% affirmant l’inverse.
Alors, France « zemmourisée » ou non ? « On peut se dire qu’il y a 28% [des français] qui ne le connaissent pas et 42% qui en ont une mauvaise opinion, donc qu’il n’y a qu’une minorité qui a une bonne opinion de sa personne, répond Jérôme Fourquet, coréalisateur du sondage. Néanmoins, 30%, de notre point de vue, c’est un niveau relativement élevé. » D’autant plus que, dès qu’il s’agit des idées d’Éric Zemmour et plus de sa personne en elle-même, qui a tendance à cliver, les chiffres sont bien plus conséquents.
Le constat est sans appel : près d’un français sur deux adhère à l’affirmation la plus radicale d’Eric Zemmour, celle qui lui a valu une condamnation pour « provocation à la haine raciale » en février 2011. « On peut avancer que la vision du monde, les représentations portées par Eric Zemmour aujourd’hui ne sont pas forcément majoritaires mais ont pris une part décisive et centrale » au sein de l’opinion, conclut Jérôme Fourquet.
Car force est de constater, que l’on soit d’accord ou non avec le polémiste, qu’il est devenu le porte-parole d’une partie de la population française. Une frange laissée à l’écart par les médias de masse, et qui voit en Éric Zemmour le pourfendeur de la bien-pensance dominante.
Sans surprise, le polémiste touche avant tout des sympathisants de droite. Ceux de l’UMP, mais surtout du FN. Plus étonnant, les affirmations d’Eric Zemmour trouvent un écho non-négligeable chez les sympathisants du Front de gauche. Ces derniers sont même plus nombreux à apprécier l’ancien chronique d’On n’est pas couché que les sympathisants socialistes (28% contre 14%).
Accéder au sondage de l'IFOP complet
Symptôme et acteur de la droitisation de la société française
Cette situation a priori paradoxale a en fait une explication assez simple : les classes populaires, de droite ou de gauche, font partie des populations les plus convaincues par Éric Zemmour.
Mais l’opinion n’a pas toujours autant adhéré aux idées et valeurs défendues par Éric Zemmour. « Le phénomène Zemmour s’inscrit dans un mouvement de droitisation de la société française » qui s’opère depuis une dizaine d’années, explique Jérôme Fourquet.
Pour beaucoup, Éric Zemmour serait lui-même à l’origine de cette droitisation de la société française. Cette thèse est aussi bien défendue chez les défendeurs que les pourfendeurs du polémiste. Le titre du journal de droite Valeurs actuelles « La France zemmourisée » laisse clairement entendre qu’Eric Zemmour aurait provoqué un changement au sein du pays. Le politologue Thomas Guénolé, qui combat les idées du chroniqueur de RTL, explique que ce dernier, par le biais de son exposition médiatique toujours croissante, a propagé ses idées au sein de la société française.
Faux, à en croire, Jérôme Fourquet. « De notre point de vue, il est un symptôme de ce mouvement qu’il a accompagné grâce à la place qu’il a prise dans le champ médiatique », résume le directeur du département Opinion et stratégie d’entreprise de l’Ifop. Le monde médiatique voit en Eric Zemmour la cause de ce « mouvement » justement parce que celui-ci s’est fait « par le bas », depuis les classes populaires, loin de la sphère médiatique.
Zemmour d’extrême droite ?
Eric Zemmour est donc le tribun de cette « France d’en bas, ignorée voire méprisée dans les médias de masse » explique le co-réalisateur du sondage. « Pour un certain nombre de personnes issues des classes populaires, Zemmour ou Marine Le Pen sont les seuls aujourd’hui à parler des problèmes qu’eux (sic) rencontrent, et que les autres partis politiques ou intellectuels ne voient pas ».
L’idée est évoquée : Eric Zemmour et Marine Le Pen pourraient toucher les mêmes personnes. Sont-ils pour autant sur la même longueur d’onde ? Éric Zemmour a-t-il des idées d’extrême droite ? Pour Jérôme Fourquet, la réponse n’est pas tranchée : « on peut estimer sans se tromper qu’il est bien à droite de l’échiquier politique sur toute une série de thèmes ». Patrick Charaudeau, analyste des médias et du discours, donne une réponse plus tranchée à cette question « difficile », estimant que le polémiste a « une rhétorique d’extrême droite plus intellectualisée ».
Une éventuelle proximité idéologique qu’Éric Zemmour dément fervemment. « Ma pensée n’est proche de personne », avait-il affirmé sur le plateau de LCI le 24 dernier.
Eric Zemmour sur LCI